L’actualité des Français de NIGHTMARE n’aura pas été de tout repos ces dernières années, avec plusieurs changements de lineup qui ne sont pas passé inaperçus : en 2015, le vocaliste emblématique Jo D’Amore annonce son départ, pas moins de 35 ans après avoir rejoint la formation, et se voit alors remplacé par Magali Luyten, qui brillera de son chant tout aussi rauque et puissant sur « Dead Sun » (2016).
L’année passée, Maggy décide de voguer sur d’autres eaux et de quitter le navire, et c’est donc Madie, chanteuse de FAITH IN AGONY, qui est présentée comme leur nouvelle interprète.
Mais avec leurs quatre décennies d’expérience, le groupe basé à Grenoble continue de faire front et de présenter de nouveaux méfaits toujours teintés de mélodies entêtantes et de guitares agitées, comme c’est d’ailleurs le cas sur « Aeternam », désormais disponible !
À l’occasion de leur journée promotionnelle dans la Capitale le mois dernier, nous avons rencontré Madie et Yves Campion, bassiste et membre fondateur de NIGHTMARE.
Un changement de lineup implique toujours un certain nombre de challenges à relever. Pouvez-vous nous en parler plus en détail ?
Yves – Le challenge principal, ça a été bien sûr de rebondir après le départ de Maggy, qui était peut-être prévisible, mais pas de cette manière, et pas aussi rapidement. On s’est posés des questions, mais on sait qu’on est capables de relever des challenges, surtout depuis les départs de Jo et David (d’Amore, ex-batteur lui aussi parti en 2015, NDLR).
On a une chance énorme d’avoir rencontré Madie chez nous, à Grenoble. Pour trouver une chanteuse qui arrive à prendre les rênes et avec ce niveau-là, on s’attendait à devoir aller la chercher en Suède, en Finlande, ou en Amérique. On a eu de la chance dans notre malchance ! (Rires)
Tu dis que le départ de Maggy était prévisible… C’est-à-dire ?
Elle avait des attentes différentes. Je ne voudrais pas répondre à sa place, mais quand je vois la musique qu’elle fait aujourd’hui, c’est carrément à l’opposé de NIGHTMARE, donc elle avait peut-être envie de faire autre chose musicalement. Après, elle avait aussi une vision différente pour la suite de sa carrière… Peut-être que ça n’avançait pas assez vite et qu’elle aurait voulu s’appeler ARCH ENEMY tout de suite ! Encore une fois, il faudrait poser la question à Maggy directement.
Je pense simplement que ça s’est passé de manière un peu trop rapide. Mais on ne s’est pas du tout pris la tête ! À la fin, on s’est souhaités le meilleur.
Départ précipité, mais finalement, Madie, tu as vite repris la main suite à cela. Même si Grenoble n’est pas une si grande ville, comment vous êtes-vous trouvés ?
Madie – Un jour, je rentre du travail, et là, Niels (Quiais, batteur du groupe, NDLR) m’appelle en me disant que leur chanteuse les a lâchés, et qu’ils ont une date au Panic Fest le 27 juillet. On était alors début mars… Niels m’a dit qu’ils avaient pensé à moi. Il m’a seulement fallu une demi-journée de réflexion pour me décider ! (Rires)
Ce festival était un peu la phase-test, même si on avait enregistré quelques petites démos pour les faire écouter à tout le monde, dont la boîte de prod’. En plus, on a joué dans des conditions dantesques, avec l’orage sur la gueule à la limite de la grêle… C’était le test à tous les niveaux ! (Rires)
Yves – Là où on a été salauds, c’est qu’on ne l’avait pas prévenue avant le concert que si elle se loupait, ça n’allait pas pouvoir continuer ! (Rires) Mais elle a vraiment assuré.

NIGHTMARE au Panic Fest en 2019 pour leur première scène avec Madie
Comment t’es tu sentie en recevant cet appel téléphonique ?
Madie – Je ne m’y attendais pas ! J’avais bien sûr entendu parler du groupe, et je connaissais vaguement Yves : d’ailleurs, la première fois qu’on s’est vus, j’ai vouvoyé M. Campion ! (Rires) Je me suis dit que c’était une occasion qui ne se représenterait pas deux fois, même si ça allait demander énormément de travail, de remises en question, un réaménagement du temps (dans la mesure où j’ai un autre groupe à côté et d’autres projets artistiques sous le coude)…
J’ai appelé mes proches pour leur demander leur avis, et ils m’ont dit : « Pourquoi tu m’appelles ? Fonce ! » (Rires)

Quels ont été tes questionnements quand tu es rentrée en studio, dans la mesure où deux fortes personnalités vocales te précèdent ?
La première chose que j’aime assez dire, c’est que je me sens petite dans ce monde de grands. Jo et Maggy sont des monstres de talent vocaux et scéniques, même si, en ce qui concerne la scène, je ne me suis pas posé de question. Je pense être taillée pour ça, j’y suis vraiment à mon aise. Certains chanteurs ne communiquent pas avec les autres musiciens, mais pour moi, c’est juste inconcevable ! (Rires)
En termes de chant, c’est une autre histoire : je n’avais jamais chanté de heavy, et ce n’est pas spécialement un style que j’écoute ou que je maîtrise… Ça a donc été la plus grande difficulté à surmonter : correspondre à ces codes appliqués depuis quarante ans et qui sont quand même assez stricts. Je n’ai pas l’habitude de ça avec mes autres projets.
Comment t’es-tu adaptée ?
Ça a été un peu compliqué au début ! (Rires) Mais j’ai fait appris à faire confiance à Yves. Sur les premières prises, il a fallu tirer sur les rênes, dans le sens où j’ai pu refuser certaines mélodies et certaines choses en essayant d’en proposer d’autres… Mais j’ai vite compris que ça ne fonctionnait pas comme ça. J’ai dû me cultiver et apprendre énormément de choses sur ce style.
As-tu eu l’occasion de participer à l’écriture d’ « Aeternam » ?
On a travaillé tous ensemble sur les textes et les mélodies, mais Yves étant un excellent mélodiste, je lui ai laissé 80% du boulot… (Rires)
Yves – J’ai ensuite fait corriger nos paroles par un Américain, du nom de Caleb Bingham. Pour la musique, on est restés sur le même mode de fonctionnement que pour les albums précédents. J’aime composer en « live », en partant de zéro, parfois juste avec une mélodie de guitare sèche, un fredonnement de la chanteuse… Malheureusement, ça a été compliqué de procéder comme ça, entre la distance géographique qui nous sépare des guitaristes et le confinement… On espère travailler un peu plus de cette façon la prochaine fois.
Finalement, on a enregistré à Grenoble, ce qui est une première ! D’habitude, on se rend dans un studio à l’étranger. Malgré tout, on a eu la chance de travailler avec des gens compétents et dans de bonnes conditions.
Joost van den Broek, votre producteur sur « Dead Sun », n’est plus impliqué ?
Il était intéressé, mais il était pas mal occupé ces derniers mois avec EPICA, qui est son projet n°1. Et puis, il fallait partir en Hollande, ce qui était impossible. Déjà que dans Grenoble même, on devait se balader avec l’attestation du label pour arriver à sortir de chez nous et enregistrer… (Rires)
Le fait d’avoir intitulé l’album « Aeternam » ne serait-il pas une manière pour vous de clamer haut et fort « on sera toujours là » ?
Madie – Exactement ! On peut y voir effectivement une forme d’éternité, en hommage à la grande carrière et au vécu de NIGHTMARE. Je trouvais ça assez beau.
Au niveau des thèmes, c’est plutôt moi qui y ai réfléchi et qui leur en ai fait part. Il me fallait honorer cette culture heavy des années 1980, que je découvre. « Nightmare », mis à part la traduction bête et méchante « cauchemar », représente aussi les films d’horreur des années 1980, sur lesquels je me suis donc beaucoup basé pour les paroles.
À quoi fait référence le titre Black September ?
Yves – Le thème général de l’album traite de la possession, de la folie et de la manière dont les gens la considèrent.
Madie – Comment on décompense d’un état névrotique à un état psychotique ! (Rires)
Yves – Exactement ! Black September y fait un peu référence, même si on s’est avant tout inspirés du conflit entre les Palestiniens et la Jordanie. Les paroles sont très imagées et métaphoriques.

Il est intéressant de lier l’actualité pure aux films d’horreur, dans la mesure où la réalité dépasse souvent la fiction…
Tout à fait : si tu prends quelqu’un comme Nordahl Lelandais, il est aussi cinglé que Freddy Krueger ! Malgré le thème général, ce n’est pas un concept album.
Madie – On n’est pas un groupe engagé politiquement, et on n’a pas pour ambition de véhiculer des idéaux.
Parmi les éléments les plus marquants de l’album, on constate plusieurs passages de grunts qui enrichissent vraiment les compos !
C’est Caleb qu’on entend sur Under The Ice et Black September. On trouve aussi des grunts sur Anneliese, inspiré de l’histoire vraie d’Anneliese Michel, une jeune Allemande exorcisée une soixantaine de fois avant de rendre l’âme. Pour jouer le démon, on s’est adressés à Mick de DESTINITY. À la base, c’est Niklas (Kvarforth, chanteur de SHINING, NDLR) qui devait s’en charger, mais… disons juste qu’il nous a posé un petit lapin ! (Rires)
Madie – Mick a fait un travail fabuleux dans le rôle du démon. Je n’ai pas attendu pour le féliciter par SMS quand j’ai entendu son enregistrement ! Matt (Asselberghs, guitariste du groupe, NDLR) interprète le prêtre exorciste en chant clair, et moi, la possédée.
Pour finir, peux-tu nous dire avec le recul quels sont tes morceaux préférés, et ceux que tu préfères interpréter ?
J’adore Crystal Lake, un morceau pour lequel j’ai beaucoup participé et où on reconnait la pâte Madie ! J’aime aussi beaucoup le « tube de l’été » Lights On. Ces deux titres ont des parties de chant plus confortables pour moi, et ils me sont significatifs. Au contraire, Black September ne s’est pas faite de manière aussi fluide… Mais on a le temps de répéter d’ici la reprise ! (Rires)